Fillon, Juppé et NKM s'en sont réjouis, ils ont qualifié la "Primaire ouverte" de victoire pour la démocratie. Vraiment ? N'est-ce pas plutôt le contraire ?
Imaginons à présent qu'un parti comme le FN s'amuse au petit jeu des "Primaires ouvertes" Primaires qui consistent à permettre à tous les citoyens - et non pas seulement les adhérents du parti - de voter pour le candidat d'un parti, s'ils le souhaitent, via une contribution symbolique - de 2€ dans le cas des primaires des républicains. Un candidat du FN se présenterait alors contre Marine Le Pen. Imaginons que ce candidat cherche à élargir ce parti au point de lui faire perdre sa consistance, ses idées, son programme, sa raison d'être. Imaginons encore que ce candidat ne soit rien d'autre qu'un intrus, une personne qui n'adhère pas aux idées du parti mais qui ait fait de l'entrisme, qu'il ait intégré le parti pour le noyauter de l'intérieur.
On verrait alors, dans notre exemple, des millions de personnes se déplacer aux élections du FN, comme un remake en avance de l'élection présidentielle, pour éliminer le candidat favori des militants du parti, de façon à éviter sa présence aux élections, et donc éviter qu'il gagne, afin de le remplacer par un candidat fantoche, dont le but n'aurait été que de faire éliminer le premier. Ce qui reviendrait à éliminer de l'élection réelle, des idées que personne d'autre n'avance. Qu'elles soient bonnes ou mauvaises.
Cette pratique de l'entrisme, connue en politique, en particulier au temps de la
guerre froide, et particulièrement mise en œuvre par les groupuscules
marxistes (on se souvient de Lionel Jospin, ancien trotskyste, soupçonné
d'avoir fait de l'entrisme au parti socialiste), retrouverait alors une seconde jeunesse. Car elle deviendrait beaucoup plus efficiente grâce aux primaires ouvertes.
En effet, trouve-t-on normal qu'environ 10 à 15% de gens qui se sont déclarés "de gauche" (peut-être plus de non déclarés), soient aller voter pour élire le leader d'un parti dont ils ne partagent pas les valeurs et idées ? Trouve-t-on normal que des personnes se percevant comme "de gauche" se soient volontairement déplacées, sans même le cacher, pour voter Juppé afin d'éliminer Sarkozy, qu'ils ne peuvent vraiment pas supporter ? Trouve-t-on normal que les idées de Sarkozy, celles qu'il entend défendre, et qui sont éloignées de celles de Fillon et Juppé, ne soient plus ou peu, ou en tout cas moins défendues par les Républicains, non pas parce qu'elles sont minoritaires dans le parti mais parce que des centaines de milliers de gens qui n'appartiennent pas au parti n'ont pas envie de les entendre ? N'ont pas envie de les voir gagner ? Trouve-t-on normal que des personnes extérieures au parti viennent voter pour celui qui, de leur point de vue extérieur au parti, est le 'moins pire'? Le plus proche d'eux ? Voire pour le plus mauvais ? Afin, surtout, de réduire les chances de victoire de l'autre parti ou de ne pas voir au pouvoir un candidat dont ils ne voudraient vraiment pas, quand bien même ils perdraient à l'élection présidentielle ? Où est la démocratie dans le fait d'empêcher les autres, s'ils gagnent, de tenter de changer les choses, parce que ce changement ne nous plaît pas ?
Où est la démocratie là-dedans ?
Dimanche soir, on a peu - voire pas - entendu les commentateurs dénoncer ce mode de désignation de candidat. Ces derniers sont peut-être trop aveuglés par l'idéologie dominante qui y voit une "preuve d'ouverture et de démocratie".
Où est la démocratie dans le fait de torpiller la candidature d'un ou plusieurs candidats d'un parti auquel on n'appartient pas, on n'adhère pas ? Où est l'ouverture lorsque des gens "de gauche" s'incrustent dans le parti des autres afin d'éliminer celui qu'ils ne veulent surtout pas voir, qu'ils ne veulent pas avoir comme adversaire, celui dont ils détestent les idées ? Où est l'ouverture ? Où est la démocratie ?
C'est au contraire un refus d'entendre et de voir se développer certaines idées, pour le simple motif que ce ne sont pas les siennes, qu'on ne les apprécie pas. C'est au contraire un acte foncièrement anti-démocratique.
Il serait temps de le reconnaître et de l'affirmer : la primaire ouverte est une idiotie anti-démocratique, qui vient brouiller les cartes d'un parti, qui sème la confusion et qui porte le simple citoyen - dont on ne sait s'il est même "sympathisant" - au même niveau que l'adhérent, qui s'est engagé dans le parti et adhère à ses valeurs. La "primaire ouverte" est un nouvel exemple de confusion des valeurs et le fait qu'elle soit tant mise en avant comme une preuve "d'ouverture et de démocratie", alors que c'est tout le contraire, montre bien à quel point il existe une perte des valeurs et une perte du sens des choses.
Méïr Ronen - Francis-info
21 novembre 2016
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