La France a donc voté la loi pénalisant la négation d'un "génocide arménien" et regrette la réaction de la Turquie. Les opposants à la loi ont donc perdu, pour le moment. Il faut relever toutefois deux types d'opposants bien différents : certains historiens et la Turquie.
Image du "génocide arménien" |
Le "génocide arménien" vu par les historiens
Un collectif d'historiens professionnels comptant parmi les siens des ténors de l'Histoire en France, se sont opposés à cette loi et aux autres lois mémorielles depuis quelques années. Ces historiens refusent que le législateur se mêle d'histoire et fige une histoire officielle. C'est un premier point. Parmi les historiens néanmoins, un certain nombre est néanmoins resté en dehors du collectif car ils ont estimé qu'il ne fallait pas y inclure la loi Gayssot qui pénalise le négationnisme du génocide des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Ceux-là estiment que la loi Gayssot est une bonne loi qui intervient en 1990, c'est-à-dire après une décennie marqué par le renouveau du négationnisme. Après les Faurisson et compagnie qui prétendaient que les Juifs n'avaient jamais été gazés à Auschwitz. Il s'agit donc d'une loi politique qui sanctionne un fait historique établi et incontestable que certains veulent nier.
Le "génocide arménien" et Bernard Lewis
Mais qu'en est-il du "génocide arménien"? Les massacres de masse perpétrés par les Ottomans en 1915 sont établis avec moins de précision par les historiens que la Shoah, ils sont toutefois indéniable aujourd'hui et la plupart des historiens reconnaissent un génocide arménien" perpétré par l'Empire ottoman. Une loi de 2001 en France reconnaît également officiellement le "génocide arménien". Il faut noter toutefois les doutes émis notamment par le grand historien Bernard Lewis. Grand spécialiste de l'islam qui ne s'est pas empêché d'avoir des mots durs sur l'islam ou la Turquie, il a néanmoins souligné à l'occasion des premiers débats publics sur la question il y a quelques années, qu'il n'existait pas à ce jour de preuve écrite, d'ordre des Ottomans d'exterminer systématiquement la population arménienne. Aussi, selon lui, sur le plan scientifique, insistons sur ce point, on peut parler de massacres de masse, de crimes contre l'humanité, mais pas de génocide selon la définition scientifique établie. Bien qu'assez isolé, Bernard Lewis bénéficie d'une aura qui mérite qu'on y réfléchisse. Bernard Lewis tombe-t-il à présent sous le coup de la loi votée jeudi dernier?
La Turquie nie le "génocide arménien"
Bernard Lewis n'a pas tort mais on pourrait dire qu'il n'a pas raison non plus. Sans ordre direct des Ottomans, on ne peut nier néanmoins, au vu des massacres systématiques et des 1.5 millions de personnes assassinées par les forces ottomanes qu'il existait bien une intention d'exterminer la population arménienne.
Mais le problème n'est pas là.
Si la loi Gayssot est une réponse aux négationnistes comme Faurrisson, on peut aussi estimer que les Arméniens ont le droit d'obtenir une réponse face au négationnisme turc. La Turquie en effet, qui se veut l'héritière de l'Empire ottoman, qui a perpétré ces massacres de masse, n'a jamais exprimé la moindre reconnaissance, la moindre responsabilité ni même la moindre excuse pour ces crimes. Bien au contraire, elle fait le coup de la guerre et des agressions dans les deux sens, en niant le caractère systématique du massacre d'Arméniens par les Ottomans. Elle parle de "soi-disant génocide arménien" (dixit Erdogan). Plus encore, Erdogan monte au créneau au moindre rappel de ces massacres de masse par un autre pays. Beaucoup de pays, pour ne pas se fâcher avec la Turquie, ont minimisé les faits ou les manifestations pour la reconnaissance de ces massacres. La France en fait les frais actuellement. De ce point de vue, à cause de la Turquie et de son négationnisme, ce n'est peut-être pas si mal, cette loi sur le "génocide arménien".
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