Les pays se choisissent des héros à leur image. Depuis un an, celui de 65 à 70 % des Israéliens, selon les sondages, s’appelle Elor Azaria, un soldat franco-israélien condamné mardi à dix-huit mois de prison pour avoir, en mars 2016, achevé au sol un Palestinien blessé. A peine âgé d’une vingtaine d’années, bouille ronde, air modeste et sourire en coin, Azaria est l’un de ces nombreux soldats ordinaires qui peuplent les rangs de Tsahal, l’armée de l’Etat hébreu. Sauf que lui n’est pas devenu emblématique pour ses faits d’armes, mais pour le meurtre qu’il a perpétré sans savoir qu’une caméra de l’ONG B’Tselem le filmait. Ailleurs, dans les sociétés démocratiques, le comportement du Franco-Israélien aurait sans doute déclenché une volée de protestations. Mais pas en Israël, où Benyamin Nétanyahou s’est empressé de téléphoner aux parents du tueur pour leur exprimer sa compassion après qu’une enquête eut été ouverte. On a aussi vu le futur ministre de la Défense Avigdor Lieberman donner l’accolade au soldat lors de la première audience de son procès. Certes, en mars 2016, des voix se sont élevées pour exiger des sanctions. Mais dans l’ensemble, le peuple ne comprend pas pourquoi la justice militaire cherche des noises à ce bon petit gars «qui ne fait que son devoir». Etonnant dans un pays qui se veut «la seule démocratie du Proche-Orient» ? En fait, ce manque d’empathie est le résultat de cinquante ans d’occupation des Territoires palestiniens par Israël. Durant lesquels les Israéliens ont appris à tellement mépriser les Palestiniens qu’une partie d’entre eux en est arrivée à trouver normal de leur tirer une balle dans la tête lorsqu’ils sont au sol.

Nissim Behar"